Par James A. Martin

Cet article a été publié à l'origine dans /LEAD (U.S). Les liens et les points de données provenant de l'article d'origine n'ont pas été adaptés.

Parmi les travailleurs américains, il n'existe qu'un seul groupe d'âge qui devrait croître entre 2020 et 2030 : les personnes de 75 ans et plus.

Lorsque j'ai lu cette donnée du Bureau of Labor Statistics des États-Unis dans un article de AARP, j'ai eu un choc. Une fois l'effet de surprise passé, je me suis senti fier. J'ai eu 65 ans un peu plus tôt cette année. J'aime beaucoup mon travail à temps plein comme rédacteur en chef du Centre de Leadership d'Indeed et je n'ai aucunement l'intention de prendre ma retraite prochainement, même si on me l'a souvent demandé.  

Toutefois, cette statistique a également soulevé beaucoup de questions de ma part. Pourquoi les personnes de 75 ans et plus représentent-elles le segment de la main-d'œuvre qui connaît la plus grande croissance? Que cela signifie-t-il pour les employeurs et de quelle manière peuvent-ils mieux attirer, fidéliser et soutenir les travailleurs âgés? 

Pour le découvrir, j'ai consulté les personnes suivantes (par discussion vidéo en ligne) :

  • Heather Tinsley-Fix, conseillère principale pour la division Participation de l'employeur chez AARP; 
  • Virginia Campoy, spécialiste principale de la réussite client pour Indeed et responsable du groupe de ressources pour les employés « All Generations Empowered » aux États-Unis; 
  • Daniel Corcoran, vice-président du groupe Stratégie et activités – Finance pour Indeed, basé à Dublin et promoteur de projet pour « All Generations Empowered ».  

La suite de cet article comprend les points clés de notre conversation, au cours de laquelle nous avons abordé le fait de se sentir à l'aise avec son âge, l'incidence de l'intelligence artificielle sur les travailleurs âgés et les stratégies qui permettent d'attirer et de soutenir les besoins précis des employés de 60 ans et plus.

La statistique concernant les travailleurs de 75 ans et plus vous surprend-elle?

Heather Tinsley-Fix : Pas vraiment. Il s'agit d'une tendance qui s'est développée au cours des 5 à 10 dernières années. La main-d'œuvre vieillit : l'âge moyen des Américains se situe présentement à 38,8 ans et il devrait atteindre environ 43 ans d'ici 2060. À partir de 2034, les adultes de 65 ans et plus seront plus nombreux que les enfants de 18 ans et moins pour la première fois de l'histoire des États-Unis.

De nombreuses raisons expliquent cette tendance. Les gens vivent plus longtemps en bonne santé. Certains continuent à travailler après 70 ans, car ils ont besoin d'argent bien sûr. Mais plusieurs sentent qu'ils ont encore quelque chose à offrir. Ils aiment la structure et la socialisation qui accompagnent un emploi. De plus, il naît de moins en moins d'enfants. 

Daniel Corcoran : Je ne pense pas que cette tendance soit limitée aux États-Unis. Je vois des récits semblables dans les médias de plusieurs économies mondiales, comme le Japon et l'Allemagne, causés par une transition démographique mondiale. Plusieurs raisons se cachent derrière la participation multigénérationnelle de la main-d'œuvre. Ce n'est pas toujours à cause de l'argent. Certaines personnes âgées continuent à travailler, non parce qu'elles y sont obligées, mais parce qu'elles souhaitent conserver le niveau de vie auquel elles se sont habituées. 

Heather Tinsley-Fix, conseillère principale pour la division Participation de l'employeur chez AARP 

Le Wall Street Journal a récemment publié un article au sujet de certains employeurs qui recrutent activement des travailleurs âgés, car ces derniers sont vus comme ayant plus d'expérience, comme travaillant plus dur et comme étant plus fiables que leurs jeunes collègues. Qu'en pensez-vous? 

Heather Tinsley-Fix : Des personnes de tous âges peuvent apporter quelque chose à leurs organisations. La combinaison de plusieurs générations libère l'innovation et donne un réel avantage commercial à une entreprise. Et avec un marché du travail encore tendu, vous avez besoin de tout le monde. Il existe, bien sûr, certaines différences entre les groupes d'âge, mais celles-ci ne sont pas aussi importantes, profondes et figées qu'on le pense.

Virginia Campoy : La fiabilité est une force qui peut se retrouver à tout âge. Il est essentiel que l'équipe de recrutement de talents le sache et comprenne que les biais et la discrimination fondée sur l'âge d'une personne touchent tout le monde, pas seulement les travailleurs âgés. J'ai discuté avec de jeunes professionnels et ils me disaient qu'ils n'étaient pas retenus pour les promotions, car ils étaient « trop jeunes », même s'ils possédaient l'expérience nécessaire pour le poste.

Daniel Corcoran : Par rapport à la remarque de Virginia, les employeurs doivent se concentrer sur l'expérience. Parfois, ce sont les compétences qu'une personne peut apporter à un poste qui comptent le plus et parfois, il s'agit de l'expérience qu'elle a à ce poste, qui s'acquiert au fil du temps. Vous pouvez posséder les compétences requises pour certains postes, quel que soit votre âge. 

(À gauche) Virginia Campoy, responsable du groupe de ressources pour les employés « All Generations Empowered » d'Indeed aux États-Unis; (à droite) Daniel Corcoran, promoteur de projet pour « All Generations Empowered »  

Virginia, en tant que personne de plus de 50 ans, que ressentez-vous à votre poste chez Indeed? Êtes-vous parvenue à assumer votre âge? 

Virginia Campoy : Avant Indeed, j'arrivais à une croisée des chemins où personne ne voulait m'embaucher comme recruteuse (en raison de mon âge). Mais je n'étais pas prête à partir à la retraite. Lorsque j'ai vu une offre d'emploi dans le conseil à la clientèle chez Indeed, j'ai pensé au fait que je n'avais pas d'expérience en technologie. J'ai décidé de postuler quand même. Lors de mon entrevue, le gestionnaire m'a aidée à me détendre. Il n'a même pas regardé mon CV. Au lieu de cela, il m'a fait participer à une conversation qui a vraiment mis en valeur mes qualités relationnelles. 

Dès que j'ai obtenu le poste, je savais que j'étais la personne la plus âgée de mon service. Ce fut difficile. Je voulais continuer de me teindre les cheveux. J'étais très sensible à mon environnement et à la façon dont je me présentais ou m'habillais. Heureusement, j'avais un gestionnaire très humain qui a su créer un environnement dans lequel j'ai pu être moi-même et ne plus avoir à « faire semblant ». Et la COVID m'a certainement aidée à mettre tout cela de côté! 

James A. Martin : Je peux comprendre cette position. Je me suis joint à Indeed en mars 2020, juste avant les confinements et les obligations de télétravail liés à la pandémie. Parce que je n'interagissais pas avec mes collègues en personne (à part quelques jours au tout début), la COVID m'a encouragé à cacher mon âge réel, tout comme les petits carrés Zoom dans lesquels mon visage s'affichait au cours des réunions vidéo. Quelques amis m'ont conseillé de ne pas parler de mon âge avec mes collègues, compte tenu de l'âgisme notoire du secteur technologique. 

Trois ans plus tard, alors que j'approchais des 65 ans, je me suis dit « Au diable! ». J'ai fait part à ma gestionnaire de l'âge que j'allais avoir. Elle m'a encouragé avec enthousiasme à en informer notre équipe. Et je suis heureux de l'avoir fait. Le fait d'être authentique au travail n'a été rien de moins qu'une source de motivation et n'a aucunement limité ma carrière, comme je l'avais craint. 

James Martin (surnommé Jim), directeur du contenu marketing pour les employeurs

Selon vous, quelle sera l'incidence de l'intelligence artificielle sur les travailleurs de 60 ans et plus? 

Heather Tinsley-Fix : Les personnes qui sont toujours au travail à 65 ou à 75 ans possèdent certainement des connaissances et des compétences très spécialisées. J'ai trouvé un exemple à la NASA : 36 % des employés ont 55 ans ou plus. Vous avez des personnes qui travaillent dans le domaine de l'espace depuis des années et qui ont accumulé une quantité phénoménale de connaissances hautement spécialisées. Dans ce sens, elles sont moins susceptibles d'être remplacées par l'automatisation. Mais étant donné la rapidité avec laquelle l'intelligence artificielle apprend et se développe, je pense que nous sommes tous dans le même bateau. 

Daniel Corcoran : Il existe beaucoup de choses que l'intelligence artificielle peut et ne peut pas faire en matière de recrutement et d'embauche. L'intelligence artificielle ne peut pas enlever le côté « humain » des « ressources humaines ». De plus, il est essentiel de se concentrer sur les occasions. Oui, de nombreux postes que nous connaissons aujourd'hui pourraient disparaître à l'avenir à cause de l'intelligence artificielle. Néanmoins, beaucoup d'emplois qui n'existent pas aujourd'hui seront aussi créés, également en raison de l'intelligence artificielle. 

Heather Tinsley-Fix : À partir d'aujourd'hui, les organisations et leur main-d'œuvre, quel que soit l'âge, devront s'habituer à une adaptation constante. Le monde change et pourtant, il reste du travail à faire. La question est donc : comment pouvons-nous, en tant qu'employeurs, embaucher les gens pour leur aptitude à apprendre? Comment recruter pour la résilience? Pour la capacité d'adaptation?

Que peuvent faire les employeurs pour attirer, soutenir et fidéliser les travailleurs âgés? 

Daniel Corcoran : Il existe des occasions de travail pour les gens de chaque génération, mais aussi des défis. Il est essentiel que les employeurs soient conscients des défis auxquels les différentes générations peuvent être confrontées.

Par exemple, avec la section EMOA du groupe « All Generations Empowered », nous avons organisé un événement « la ménopause sur le lieu de travail » et créé une trousse d'outils de sensibilisation avec un partenaire local. Ce fut un succès que nous espérons étendre à l'ensemble de l'entreprise. 

Heather Tinsley-Fix : La première chose à faire pour les employeurs est de se joindre au AARP Employer Pledge Program (Programme de participation de l'employeur de l'AARP), ce qu'a fait Indeed. Nous proposons des ressources pour aider les organisations, comme une liste de vérification multigénérationnelle

Les entreprises doivent vraiment reconnaître leurs travailleurs âgés, valoriser leurs compétences et être conscientes du soutien dont ils pourraient avoir besoin, notamment en ce qui concerne la formation et l'amélioration des compétences. Les travailleurs âgés ont tendance à être très minutieux lorsqu'ils se perfectionnent et peuvent prendre plus de temps comparativement à des collègues plus jeunes. En le comprenant et en adoptant une démarche ouverte et volontaire, vous pouvez soutenir vos travailleurs âgés. 

De plus, il est très important que votre marque employeur reflète les personnes que vous essayez d'attirer, qu'il s'agisse de l'âge, du genre ou d'autre chose. Il existe plusieurs manières d'utiliser la flexibilité pour fidéliser les travailleurs âgés, comme avoir un programme de retraite progressif, qui permet aux travailleurs de se diriger tranquillement vers la retraite. Peut-être qu'un employé souhaite travailler 75 % ou 50 % du temps jusqu'à ce qu'il soit prêt à prendre sa retraite. Vous pouvez aussi rappeler les travailleurs âgés pour bénéficier de leur expertise au travail. 

Afin de fidéliser les meilleures personnes, vous devez leur donner un sentiment d'appartenance au sein de votre culture et un sens à leur travail. La rémunération est importante, mais au bout du compte, c'est l'inclusion qui tient lieu de priorité, quel que soit votre âge.

Dans un épisode de 2020 de « Here to Help », le directeur général d'Indeed Chris Hyams discute avec Virginia Campoy sur la manière dont Indeed et d'autres organisations peuvent être plus accueillantes pour toutes les générations.

*Article(s) en anglais