Des schémas d'immigration à l'incidence de l'intelligence artificielle, voici ce que vous devez savoir en 2024.

Principaux points abordés :

  • Les marchés mondiaux de l'emploi restent tendus, mais ils commencent à s'améliorer à mesure que la frénésie d'embauche d'après pandémie ralentit. 
  • Les tendances démographiques continuent de façonner les économies locales, qu'il s'agisse de l'arrivée en masse d'immigrants en Australie et au Canada ou de la difficulté à maintenir une population active en Allemagne.
  • Les salaires sont importants pour les chercheurs d'emploi, mais des facteurs comme la flexibilité, la culture, le perfectionnement des compétences et la transparence salariale sont également très recherchés.
  • Des signes de perturbations engendrées par l'IA apparaissent aux quatre coins de monde. Les responsables des ressources humaines font ainsi face à de nouveaux défis, mais aussi à de nouvelles occasions étonnantes.

Cet article est une traduction d'un article rédigé en anglais. Les liens et les points de données provenant de l'article d'origine n'ont pas été adaptés.

L'année 2023 a été marquée par des changements dans les marchés mondiaux de l'emploi : le télétravail hybride s'est imposé comme nouvelle norme et l'IA générative a fait son entrée, nous forçant à redéfinir le rôle de la main-d'œuvre humaine. 

Indeed Hiring Lab, la branche d'Indeed concernant la recherche économique, étudie les tendances du marché du travail mondial en analysant des millions de points de données dans l'ensemble du site d'Indeed, y compris les publications d'offres d'emploi, les CV et le comportement de l'utilisateur. Les économistes du Indeed Hiring Lab issus du monde entier analysent et mettent en évidence les conditions du marché du travail mondial, y compris les tendances sur le recrutement et le salaire, les compétences recherchées et les avantages populaires pour les employeurs. 

Nous avons échangé avec sept économistes du Hiring Lab sur la situation dans leurs régions respectives afin de répondre à la question suivante : que réserve l'année 2024 aux employeurs et aux chercheurs d'emploi? 

Aux États-Unis : Les employeurs doivent élargir leur vision des talents

Nick Bunker, directeur de la recherche économique pour l'Amérique du Nord

La situation : L'année passée, de nombreux économistes étaient persuadés de l'imminence d'une récession aux États-Unis. La question était de savoir quand. Pourtant, cette récession n'est jamais arrivée. Le PIB a augmenté de plus de 5 % sur une base annuelle et le taux de chômage est inférieur à 4 %, ce qui est faible par rapport aux normes historiques. Et même si les publications d'offres d'emploi ont baissé d'après les critères d'Indeed, elles ont tout de même augmenté de 26 % par rapport aux niveaux d'avant la pandémie. Le marché du travail demeure donc très résilient. 

Il est trop tôt pour affirmer sous quelle forme l'IA affectera les emplois dans tous les secteurs d'activité, mais nos recherches montrent que le secteur qui sera le plus exposé à l'IA générative est celui du développement de logiciels. Inutile désormais de savoir écrire du code, car ChatGPT le fait pour vous. Pendant longtemps, toutes les personnes qui s'inquiétaient que leurs compétences deviennent obsolètes pensaient devoir apprendre à coder. Désormais, l'IA peut s'en charger. Les emplois dans le secteur du développement de logiciels sont donc en danger.

Ce qu'il faut retenir : Le marché de l'emploi aux États-Unis est moins limité qu'il ne l'était en 2023, mais il reste très concurrentiel. Dans cet environnement, les employeurs doivent élargir l'éventail de candidats potentiels pour leurs postes à pourvoir. Par exemple, l'année 2023 s'est démarquée par la croissance historique du taux de participation des personnes en situation d’ handicap. Cette hausse s'explique notamment par le télétravail, qui facilite grandement le travail des personnes ayant besoin d'accommodement. Voici donc une leçon pour les employeurs en général : des personnes sont en mesure d’accomplir le travail, mais elles ne font peut-être pas partie de votre bassin de candidats traditionnel. 

Au Royaume-Uni : Les travailleurs doivent être préparés aux perturbations liées à l'IA

Jack Kennedy, économiste principal pour Indeed Hiring Lab, se concentre sur le marché du travail au Royaume-Uni et en Irlande

La situation : Au Royaume-Uni, quelques perturbations liées à l'IA commencent à apparaître, mais de nombreuses entreprises cherchent encore à déterminer la meilleure solution pour mettre en place et intégrer l'IA dans leurs activités. L'incidence de l'IA devrait être bien plus importante en 2024 et dans les années à venir. Des entreprises suspendent le recrutement pour certains types de postes, comme les postes de soutien à la clientèle, car elles envisagent de les remplacer par des outils d'IA. En parallèle, le nombre de publications d'offres d'emploi portant tout particulièrement sur la création d'outils d'IA générative a connu une croissance fulgurante. Aujourd'hui, ce nombre représente toujours une part très faible du marché du travail en général (moins de 0,1 % de l'ensemble des publications d'offres d'emploi sur Indeed), mais ce pourcentage était quasi nul au début de l'année 2023. Dans peu de temps, les rôles liés à l'IA générative représenteront une part beaucoup plus importante du marché du travail.

Ce qu'il faut retenir : L'IA est de plus en plus intégrée aux opérations commerciales courantes au Royaume-Uni. De nombreuses perturbations sont à prévoir, mais aussi de nouvelles occasions. Outre l'augmentation du nombre d'emplois qui impliquent la création d'outils d'IA, nous allons assister à la création de postes totalement nouveaux, afin d'exploiter le potentiel de cette technologie. Les travailleurs doivent être mieux préparés à cette période de changements rapides et profonds sur le marché du travail. Pour les employeurs, il sera essentiel d'offrir des occasions de perfectionnement des compétences et de formations, notamment dans le secteur du numérique, pour aider les travailleurs à faire face à cette transition.

En Allemagne : L'IA pourrait réduire les pénuries de main-d'œuvre

Dre Annina Hering, économiste principale pour Indeed Hiring Lab, se concentre sur le marché du travail allemand

La situation : Le climat économique en Allemagne a connu de fortes turbulences tout au long de l'année 2023. Les prévisions économiques pour 2024 annoncent une faible croissance du PIB. Le contexte économique reste incertain et le pays a connu une pénurie de main-d'œuvre pendant de nombreuses années, conséquence de l'évolution démographique. Les baby-boomers quittent le marché du travail et le nombre de jeunes qui acceptent ces postes à pourvoir est insuffisant. De plus, les travailleurs ont tendance à quitter le marché de l'emploi avant d'atteindre l'âge de la retraite. 

Par ailleurs, il est très difficile de maintenir une population active constante. L'immigration peut représenter une solution, mais l'Allemagne a besoin de la migration de 1,5 million de personnes chaque année pour atteindre un solde migratoire de 400 000 personnes par an. L'attraction de travailleurs internationaux est indispensable, mais elle représente un défi de taille pour les employeurs, notamment en raison de la barrière linguistique. Cette situation devrait continuer à poser problème au cours des cinq prochaines années.

Ce qu'il faut retenir : L'IA représente une solution potentielle à la pénurie de travailleurs qualifiés en Allemagne. Si l'IA générative est en mesure de renforcer ou d'automatiser certains postes ou certaines tâches, les employeurs seront capables d'accomplir davantage de choses avec une main-d'œuvre réduite. Compte tenu du nombre de postes à pourvoir en Allemagne, l'IA pourrait bien avoir un effet transformationnel sur ce marché.

En Australie : Le maintien de conditions de travail hybride flexible permet de capter l'intérêt des talents

Callam Pickering, économiste principal pour Indeed Hiring Lab, se concentre sur l'Australie

La situation : L'incidence de l'IA en Australie a été relativement faible. En réalité, la demande de travailleurs dans le secteur de l'IA a diminué. Les publications d'offres d'emploi mentionnant l'IA ont chuté à environ 2,3 % de l'ensemble des publications, alors qu'elles avaient atteint un pic de 3,7 %. Ce constat s'explique par le fait que la technologie n'a pas représenté un secteur fort en Australie au cours de l'année écoulée. Mais l'IA devrait se développer dans les années à venir.

Même si le secteur des technologies a fait face à des difficultés, le marché du travail général en Australie est très concurrentiel. À la fin de l'année 2023, les publications d'offres d'emploi sur Indeed ont augmenté de 84 % par rapport aux niveaux d'avant la pandémie, bien au-dessus des États-Unis (environ 26 %) et du Royaume-Uni (environ 8 %). En parallèle, la population australienne âgée de 15 ans et plus a augmenté de 3 % au cours de l'année passée. Il s'agit de l'augmentation la plus forte depuis au moins 45 ans, loin devant les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada. Ces chiffres s'expliquent en partie par le retour des personnes en Australie après la pandémie, mais aussi par les décisions d'augmenter l'immigration pour remédier aux pénuries de compétences généralisées, qui font du recrutement un véritable défi. 

Ce qu'il faut retenir : Même avec l'arrivée massive d'immigrants en âge de travailler, le marché du travail australien est plus tendu qu'il ne l'a jamais été au cours des cinquante dernières années. Les employeurs doivent garder cette idée à l'esprit pour attirer et fidéliser des talents. Plusieurs entreprises se sont débarrassées du télétravail, car elles ne souhaitaient plus en entendre parler, à tort. Les entreprises avec des obligations de travail au bureau quatre ou cinq jours par semaine se placent potentiellement dans une position désavantagée dans un marché des talents concurrentiel. 

En France : L'IA permet de résoudre les problèmes de productivité

Alexandre Judes, économiste pour Indeed Hiring Lab, se concentre sur la France

La situation : Après la pandémie, la France a créé 1,2 million d'emplois. Aujourd'hui, le secteur privé français compte 6 % d'emplois de plus qu'à la fin de l'année 2019. Pourtant, la production globale n'a augmenté que de 1,7 %, ce qui représente l'une des plus importantes baisses de productivité de travail parmi les pays industrialisés. Cette diminution s'explique notamment par le fait qu'environ un tiers de ces nouveaux emplois ont été pourvus par des apprentis, qui doivent être formés avant d'atteindre le niveau de productivité d'un travailleur moyen. 

Cette année marquera certainement une date clé pour le marché du travail français. Le gouvernement poursuivra ses efforts pour réduire le taux de chômage, notamment en mettant en œuvre des réformes visant à encourager le travail. Les entreprises, quant à elles, chercheront à retrouver leur productivité. Concernant les candidats, ceux-ci restent convaincus que l'ère d'après COVID a définitivement changé la donne en leur faveur et resteront attentifs à leur pouvoir de négociation. 

Il apparaît donc essentiel d'apporter une réelle attention aux questions structurelles comme la mobilité (offrir des occasions de télétravail et de logement) et la formation (proposer des formations d'apprentissage et requalifier les travailleurs plus âgés). La numérisation représente aussi un facteur important. Parmi tous les pays analysés, la France est celui qui présente le moins de publications d'offres d'emploi mentionnant l'IA et les compétences associées, ce qui est vraiment dommage, car l'IA pourrait en réalité être une solution pour retrouver une partie de la productivité. 

(Note du rédacteur : D'après le sondage d'Indeed sur l'IA à l'échelle mondiale, les répondants en France sont les plus hésitants en matière d'IA au travail, avec 25 % des responsables des ressources humaines et de l'attraction des talents et 30 % des chercheurs d'emploi qui mentionnent être préoccupés par cette technologie.)

Ce qu'il faut retenir : La baisse de la productivité en France a une incidence sur les marges des entreprises. Il leur est donc difficile d'augmenter les salaires et de capter l'intérêt des candidats. À un moment donné, les entreprises devront donc rétablir leurs marges, ce qui augure certainement une période durant laquelle les employeurs recruteront beaucoup moins. Certains postes pourraient être amenés à disparaître. Mais les employeurs devraient aussi réfléchir à la façon dont l'IA ou de nouvelles méthodes de gestion peuvent améliorer la productivité. 

Au Japon : Les chercheurs d'emploi ont besoin de précisions

Yusuke Aoki, économiste pour Indeed Hiring Lab, se concentre sur le Japon

La situation : Au cours de la dernière décennie, le Japon a connu une grave pénurie de main-d'œuvre. Aujourd'hui encore, les entreprises rencontrent des difficultés à pourvoir leurs postes. L'année passée s'est caractérisée par une augmentation du nombre de travailleurs partant à l'étranger, ce qui s'explique notamment par le fait que les salaires n'ont pas suffisamment augmenté au Japon. Mais plus important encore, le yen ne cesse de chuter. Cette situation est peut-être temporaire, mais aujourd'hui, le marché du travail au Japon est plus poreux géographiquement qu'il ne l'était par le passé. En outre, cette tendance devrait continuer en 2024. Il devient donc essentiel d'attirer des travailleurs internationaux. Cependant, outre les défis habituels comme la langue et les facteurs géographiques, le pays est aussi confronté au manque d'intérêt pour le Japon. Ce constat représente un défi encore plus important pour les employeurs.

Contrairement à d'autres régions, le Japon a adopté un système de recrutement basé sur l'entreprise : les chercheurs d'emploi postulent à une entreprise plutôt qu'à un poste précis. L'entreprise les place ensuite en fonction de leurs besoins en personnel. Mais aujourd'hui, les jeunes générations veulent choisir leurs propres parcours de carrière. Une grande tendance consiste à adopter le système de recrutement mondial. Certains employeurs optent désormais pour des descriptions de poste comprenant des exigences particulières. Nous mettons à jour Indeed au Japon afin de permettre aux employeurs de communiquer plus facilement leurs compétences requises.

Concernant l'IA, le Japon connaît moins de perturbations de l'emploi que les États-Unis en raison de la constitution des secteurs d'activité. À l'échelle mondiale, le Japon représente une part importante de l'industrie manufacturière, du commerce de détail et des services médicaux. Tous ces secteurs nécessitent un contact en personne et un jugement humain. Par conséquent, ils ont moins de chance d'être remplacés par l'IA. 

Ce qu'il faut retenir : De plus en plus d'entreprises japonaises adoptent des descriptions de poste détaillant des exigences particulières. Par exemple, la transparence salariale les aide à rivaliser avec la concurrence dans la course aux talents. Il est donc indispensable d'informer les chercheurs d'emploi des possibles augmentations de salaire pour un poste donné, en particulier pour les jeunes travailleurs. 

Au Canada : L'immigration est en plein essor

Brendon Bernard, économiste principal pour Indeed Hiring Lab, se concentre sur le Canada

La situation : La croissance démographique, la plus rapide que le pays ait connue depuis des décennies, a représenté un facteur clé pour le marché du travail canadien. Elle s'explique par la migration venue de l'étranger. Elle s'observe aussi sur Indeed. Au cours du troisième trimestre de l'année 2019, environ 6 % des clics des chercheurs d'emploi sur des publications d'offres d'emploi canadiennes sur Indeed étaient réalisés par des personnes situées en dehors du Canada. Au cours du troisième trimestre 2023, ce chiffre a atteint les 14 %. L'augmentation de la population est due aux personnes qui arrivent au Canada avec des visas d'études et de travail temporaires et a probablement permis à certains employeurs de pourvoir des postes vacants. Cependant, en 2024, une demande de travailleurs plus faible ainsi que des changements politiques pourraient ralentir le rythme de croissance de la main-d'œuvre. 

Les employeurs canadiens sont peut-être un peu plus lents que leurs homologues aux États-Unis à adopter la nouvelle vague de technologies alimentées par l'IA. Toutefois, la situation s'équilibrera à moyen terme et deviendra source de concurrence entre les employeurs. Ceux qui se révéleront les plus efficaces pour tirer parti de l'IA seront en mesure de surpasser leurs concurrents.

Ce qu'il faut retenir : Les employeurs canadiens doivent avoir conscience de tous les aspects qui caractérisent un bon emploi. La rémunération et les avantages sont essentiels, mais beaucoup d'autres facteurs ont de l'importance comme la stabilité, les horaires flexibles, les possibilités d'évolution et la culture d'entreprise. Ces éléments doivent constituer une priorité dans le processus de recrutement, mais aussi dans les activités quotidiennes. 

Les principales conclusions sur l'ensemble des marchés du travail : Sortez des sentiers battus

En 2024, l'adaptabilité et la créativité seront les maîtres-mots pour réussir à attirer et à fidéliser les talents. Même si le recrutement devient plus facile, ne négligez pas les préférences des chercheurs d'emploi. La compréhension de leurs attentes est essentielle. Écoutez donc vos employés potentiels et existants et réfléchissez à la manière dont vous pouvez répondre à leurs besoins au-delà de la rémunération. Et si nous sommes conscients que l'IA commence à changer la donne pour les employeurs du monde entier, nous ne savons pas encore exactement la forme que prendront ces changements. Restez au fait des tendances en matière d'IA et de développements technologiques afin de garder une longueur d'avance sur la concurrence.