En s'appuyant sur ses années d'expériences dans le domaine du recrutement, Wendy Wick, responsable des talents chez IBM, estime que l'intelligence artificielle (IA) aidera bientôt les candidats et les employeurs à profiter d'une embauche « aussi rapide qu'une livraison de pizza ».

Points clés : 

  • Wendy Wick envisage d'intégrer l'IA dans l'ensemble du cycle de vie du recrutement avec des tableaux de bord et des instructions facilement accessibles afin de maintenir l'intérêt des candidats.
  • Elle explique la façon dont l'IA aide IBM à améliorer les compétences des employés, entre autres avantages.
  • Elle fait part de ses stratégies pour attirer et pour soutenir les employés des groupes marginalisés, notamment par l'élimination des biais et du jargon dans les descriptions de poste. 

À 16 ans, Wendy Wick travaillait en tant qu'employée de banque. Même si elle n'avait pas encore obtenu de diplôme d'études secondaires, elle disposait des compétences nécessaires pour faire ce travail et a fidèlement gardé son poste pendant des années. Aujourd'hui, elle est responsable de l'offre d'externalisation du processus de recrutement (RPO) chez IBM Consulting* pour le continent américain et compte 25 années d'expérience dans le domaine. Mais à chaque fois qu'elle voit des postes de niveau débutant exigeant un diplôme universitaire, elle se souvient de sa propre expérience d'entrée dans le monde du travail et se demande quel aurait été son parcours si elle n'avait pas eu cette occasion.

« Un baccalauréat vous indique qu'une personne est allée à l'université pour obtenir un diplôme. Elle dispose probablement d'une certaine détermination personnelle et de compétences liées à la pensée critique », explique-t-elle. « Tout ce dont j'avais besoin, c'était d'avoir l'esprit critique et de bonnes capacités de lecture, d'écriture et de service à la clientèle. Ces compétences vous en disent davantage sur un poste et sur une personne qu'un baccalauréat. »

Wendy Wick, responsable de l'offre RPO pour le continent américain chez IBM Consulting

Wendy Wick, membre de la communauté de responsables des talents du programme Leadership Connect d'Indeed aux États-Unis, affirme être fascinée par les causes de la divergence entre les employeurs et les chercheurs d'emploi tout au long du processus d'embauche, et par la façon dont les employeurs peuvent répondre aux attentes changeantes des candidats. Elle nous fait part de son avis sur la manière dont l'IA et les nouvelles technologies peuvent favoriser un recrutement basé sur les compétences et offrir une expérience fluide aux employeurs et aux candidats. 

L'entrevue qui suit, dans laquelle elle évoque les plus grands défis auxquels elle est confrontée dans son travail et la manière dont l'IA peut l'aider, a été modifiée et abrégée.

Quels sont les deux plus grands défis que vous rencontrez dans votre travail aujourd'hui?

Nous devons nous assurer de vérifier le contenu généré par l'IA ainsi que les données utilisées pour l'entraîner afin d'éviter les biais et de créer un résultat positif lors de l'embauche de façon intentionnelle. Nous utilisons des formes d'IA depuis des années. Si vous prenez n'importe quel moteur de recherche, des algorithmes sont toujours cachés pour proposer des suggestions et du contenu. Mais les choses se compliquent lorsque vous ne savez pas d'où proviennent les données de l'IA générative*. Les entreprises doivent vérifier les outils d'IA et les données qui les entraînent de façon responsable avant leur mise en œuvre.

Aujourd'hui, l'autre grand défi auquel nous sommes confrontés est la vitesse de ces changements et la façon dont ils ont une incidence sur l'expérience du candidat. Après une candidature, les personnes souhaitent recevoir une réponse immédiate, comme lorsqu'ils commandent un repas en ligne et suivent la livraison en temps réel. Mais ce fonctionnement ne convient pas à l'embauche : vous pouvez recevoir une réponse automatique vous remerciant pour votre candidature, mais cela ne signifie pas que vous obtenez un emploi immédiatement. 

Il est vrai que des entreprises comme Indeed s'efforcent de rendre l'embauche aussi facile qu'un clic sur un bouton, mais nous n'en sommes pas encore là. 

Note du rédacteur : Pour découvrir les efforts d'Indeed pour rendre l'embauche aussi facile qu'un clic sur un bouton, comme l'explique Wendy Wick, consultez les annonces de produits de l'événement Indeed FutureWorks 2023, qui comprend des outils qui invitent les chercheurs d'emploi à inclure des compétences précises dans leurs candidatures, et expliquent aux employeurs comment optimiser leurs offres d'emploi pour cibler les candidats pertinents.

Comment envisagez-vous l'incidence de l'IA sur le recrutement?

Je pense qu'il est nécessaire d'intégrer l'IA dans l'ensemble du cycle de vie du recrutement pour disposer de tableaux de bord et d'instructions facilement accessibles afin de maintenir l'intérêt des candidats et d'aider les employeurs à simplifier leurs processus.

Quand un candidat postule, l'IA pourrait l'inviter à fournir davantage de renseignements sur une compétence ou sur une expérience professionnelle qu'il aurait mentionnée. Elle pourrait l'aider à envoyer une candidature plus efficace et l'inviter immédiatement à passer aux étapes suivantes.

Je pense que l'IA pourrait aussi aider les gestionnaires de recrutement en leur fournissant les bonnes questions d'entrevue pour vérifier les compétences d'un candidat. Ceci pourrait permettre de réduire les biais apportés par le gestionnaire de recrutement.

Pour un recruteur, j'estime que l'IA pourra l'aider à gérer les tâches administratives routinières, comme signaler les postes qu'il a du mal à pouvoir et proposer de planifier une réunion avec le gestionnaire de recrutement. De mon point de vue, si une organisation rencontre des difficultés à embaucher dans des domaines précis ou présente un fort taux de roulement, l'IA pourrait transformer ces analyses en connaissances exploitables afin d'apporter les changements nécessaires.

C'est ainsi que nous pourrions, selon moi, arriver à un recrutement aussi rapide qu'une livraison de pizza.

Comment avez-vous utilisé l'IA pour soutenir un recrutement basé sur les compétences et pour perfectionner celles des employés?

Nous utilisons une sorte de répertoire ou d'annuaire en ligne pour tous les employés d'IBM. Cet outil ressemble à un CV : il contient des renseignements sur votre parcours, sur ce que vous faites dans votre emploi actuel ainsi que sur les diplômes obtenus.

En coulisses, son algorithme d'IA peut vous inviter à ajouter des compétences ou des diplômes précis en fonction de votre profil. C'est ce que nous appelons l'« inférence de compétences ». L'outil vous demande s'il interprète correctement votre profil et si vous possédez bien les compétences X, Y et Z. Ensuite, il peut vous indiquer que votre patron estime que votre compétence était inférieure à ce que vous pensiez et vous recommander une formation. Il peut aussi vous indiquer que l'acquisition d'une compétence supplémentaire vous permettrait de postuler à un poste vacant.

En tant que responsable, il vous incite à vérifier les personnes très performantes qui occupent leur poste depuis un certain temps et vous suggère des mesures pour les aider à avancer dans leur carrière. Il fait aujourd'hui partie de nos systèmes annuels d'évaluation des augmentations et constitue une solution pour veiller à ce que nos employés obtiennent des promotions.

Et surtout, ses suggestions n'entrent pas automatiquement en vigueur. Certaines personnes craignent que la technologie ne remplace l'humain, mais ce dernier doit toujours avoir le rôle de décideur final.

Selon vous, que peuvent faire les employeurs pour soutenir davantage les employés et les groupes marginalisés de façon authentique et significative, mais qui ne soit pas de façade?

Je réfléchis beaucoup aux compétences connexes* et à la mobilité à l'interne. Bon nombre d'employeurs se concentrent sur le repérage proactif dans leurs propres effectifs. Cette solution peut permettre d'offrir aux personnes marginalisées une occasion qu'elles n'auraient peut-être pas envisagée et de veiller à ce qu'elles fassent partie du cycle de carrière en interne.

Les dirigeants devraient réfléchir à la manière dont ils discutent des postes. Cela ne signifie pas seulement vérifier les descriptions de poste pour éliminer les biais, mais aussi pour supprimer le jargon éventuel. Si vous cherchez à capter l'attention de personnes qui n'ont généralement pas eu l'occasion d'occuper ce type de poste, assurez-vous que le texte soit compréhensible.

En outre, il est important que les employeurs se penchent sur l'endroit ils publient des offres d'emploi. S'ils frappent toujours à la même porte, ils croiseront toujours les mêmes personnes. La publicité programmatique* représente une solution idéale pour diversifier vos sources de candidats.

Ces changements peuvent sembler difficiles si vous essayez de les aborder tous à la fois. Vous risquez de vous sentir démoralisé. Divisez plutôt la charge de travail par catégories d'emploi ou par postes en forte demande et concentrez-vous sur un segment à la fois. Plus tôt vous commencerez, plus vous comprendrez et vous apprécierez ce que le marché vous apporte ainsi que la façon dont vous pouvez susciter l'intérêt des personnes externes et des employés internes.

Concernant la main-d'œuvre, quel est selon vous le changement le plus important au cours des 10 prochaines années?

Il est essentiel de mieux cerner le travail hybride et le télétravail. Toutes les données que j'ai lues sur les États-Unis indiquent que le nombre d'offres d'emploi comprenant la mention « télétravail » a diminué*. Les postes hybrides se stabilisent et le travail sur site est en légère hausse.

Ces décisions professionnelles peuvent changer la vie des employés. Imaginez que vous habitiez à Londres et que prendre le métro entre votre lieu de travail et votre domicile vous coûte 200 livres par mois. Lorsque vous étiez en télétravail, vous n'aviez pas à payer ces dépenses. Sur quoi devez-vous tirer un trait afin d'avoir les moyens d'assumer cette dépense chaque mois?

Il ne s'agit ici que du transport, mais il faut prendre en compte d'autres éléments comme le temps consacré à ces trajets. Au cours des trois dernières années, de nombreux dirigeants ont compris qu'il était possible d'être productif chez soi tout en bénéficiant d'une plus grande flexibilité et d'un meilleur équilibre*.

Enfin, les employeurs doivent tenir compte à la fois des avantages du télétravail, comme la productivité individuelle, mais aussi de ceux du travail en présentiel, comme davantage d'innovation, de créativité, d'occasions de perfectionnement de carrière et plus encore.

De quel accomplissement de l'année passée êtes-vous la plus fière et pourquoi?

Je suis très fière de ma volonté d'en savoir plus au sujet des capacités des technologies. En tant que responsable, je dois évoluer avec mon époque, que ce soit grâce aux séances d'entraînement avec IBM, aux échanges avec d'autres responsables des talents rencontrés avec le programme Leadership Connect ou à la participation à un séminaire.

Chaque jour, je reçois une nouvelle technologie passionnante qui est censée résoudre les problèmes de l'attraction de talents. Mais je dois me demander : « Comment fonctionne-t-elle vraiment? » Ensuite, je réfléchis à la manière de mettre en œuvre ces améliorations dans l'écosystème technologique existant de mon client sans ajouter de coûts ni d'infrastructures supplémentaires. C'est pourquoi il est essentiel pour moi d'apprendre en continu et d'intégrer la technologie à l'attraction de talents.

* Articles en anglais